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Circulaire no MES/CAB/98 du 31 décembre 1997 relative à la mobilisation des contrats emploi solidarité dans la lutte contre les exclusions

La ministre de l’emploi et de la solidarité à Madame et Messieurs les préfets des régions (directions régionales du travail de l’emploi et de la formation professionnelle, directions régionales des affaires sanitaires et sociales), Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, directions départementales des affaires sanitaires et sociales), Monsieur le directeur général de l’ANPE.

Depuis quelques mois, le Gouvernement a donné une orientation résolument offensive à la politique de l’emploi : relance de la croissance par la consommation dès l’été, lancement du programme "nouveaux services, nouveaux emplois" en octobre et enclenchement du processus de réduction du temps de travail à 35 heures programmé pour le début 1998.

Cette redynamisation de l’emploi, qui commencera à produire ses premiers effets en 1998, est de nature à faciliter le retour à l’emploi des personnes qui sont touchées par le chômage en raison d’une insuffisance des offres d’emploi.

Certains n’auront malheureusement pas accès directement à ces emplois, parce que des périodes de chômage longues, une qualification inadaptée ou insuffisante, ou les difficultés particulières qu’ils ont rencontrées, les ont éloignés de l’emploi. Éviter que ces personnes ne restent exclues de l’emploi est un objectif central du programme de prévention et de lutte contre les exclusions que le Gouvernement entend développer au cours des trois prochaines années. La loi qui sera soumise au Parlement au printemps prochain, marquera le véritable lancement de ce programme.

Je souhaite que vous mobilisiez sans attendre les contrats emploi solidarité (CES), dans la lutte contre l’exclusion professionnelle. Il faut pour cela rendre à ce programme sa vocation première qui est de faire office d’un véritable sas vers l’emploi pérenne pour les personnes qui n’ont pas d’autre recours.

Réserver les CES aux personnes qui ne sont pas susceptibles d’occuper un emploi ordinaire, aidé ou non, ou de suivre une formation qualifiante.

Les CES n’ont pas vocation à bénéficier à toutes les personnes qui entrent dans les critères définis par la loi, c’est-à-dire les chômeurs de longue durée, les chômeurs âgés de plus de 50 ans, les handicapés, les bénéficiaires du RMI et les jeunes rencontrant des difficultés particulières d’insertion. Ces catégories administratives recouvrent en effet des situations très diverses.

Certains sont en mesure de retrouver directement un emploi classique – emploi marchand ou non marchand non aidé, CIE, "emplois jeunes"... –, ou d’y accéder indirectement, après une période de formation – apprentissage, contrats en alternance, SIFE, SAE – leur permettant d’acquérir une qualification ou d’adapter la leur. Pour ceux-là, il s’avère que le passage en contrat emploi solidarité est sans effet sur les perspectives de retour à l’emploi pérenne. Plus grave, on constate bien souvent que la reprise d’emploi est plus difficile après le CES qu’avant. Aujourd’hui, entrent en CES beaucoup de demandeurs d’emploi qu’il aurait été préférable de mieux accompagner dans leur recherche d’emploi, ou d’orienter vers un autre dispositif.

Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’à l’opposé, nombreux sont ceux qui sont de fait exclus des CES, alors que ces contrats représentent pour eux la seule voie d’accès à l’emploi. C’est en particulier le cas des personnes déstructurées par des périodes répétées et prolongées de chômage, ou des difficultés particulières, et qui souvent cumulent des handicaps professionnels et sociaux. La mise en situation de travail dans le cadre d’un CES, par la resocialisation et la remotivation qu’elle opère, est bien souvent seule en mesure d’enclencher une dynamique d’insertion.

Depuis quelques années, une politique de recentrage des CES est menée. Elle consiste à privilégier, parmi les publics visés par la loi, les chômeurs de très longue durée – plus de trois ans –, les demandeurs d’emploi de longue durée de plus de cinquante ans, les bénéficiaires du RMI sans emploi depuis plus d’un an, les personnes handicapées, les personnes sous main de justice, les jeunes en difficulté, notamment lorsqu’ils sont issus de l’aide sociale à l’enfance ou relèvent de la protection judiciaire de la jeunesse ou des services de prévention spécialisée.

Entre janvier et octobre 1997, la proportion de ces publics prioritaires dans les CES est passée de 48 % à 55 %. Ce recentrage constitue un progrès, mais il faut poursuivre cet effort en vue d’obtenir que rapidement les deux tiers des contrats leur soient effectivement attribués.

Passer d’une gestion à dominante administrative
à une sélection individualisée des entrées en CES.

Le véritable enjeu va cependant au-delà. Nous ne parviendrons à faire du CES un instrument réellement efficace que si nous sommes capables de passer d’une gestion à dominante administrative à un processus de sélection individualisée, permettant d’identifier les problèmes rencontrés par les demandeurs d’emploi, et de n’orienter en CES que ceux qui ne peuvent ni occuper un autre emploi, marchand ou non marchand, ni entrer directement dans une formation qualifiante.

Il vous revient d’organiser cette sélection active et personnalisée. Vous vous appuierez pour cela sur l’ensemble des acteurs locaux, en mobilisant le service public de l’emploi, les services sociaux de l’État et en développant les partenariats avec les collectivités locales et les réseaux associatifs.

J’insiste plus particulièrement sur deux points.

Il convient tout d’abord que l’ANPE, au-delà des critères administratifs, identifie les personnes pour lesquelles le CES est une réponse appropriée, en liaison avec les missions locales, les PAIO, les DDASS, les collectivités territoriales, les CCAS et les associations.

Il faut ensuite inciter les employeurs de CES à faire transiter les offres d’emploi de CES par l’ANPE, afin d’être en mesure d’assurer le placement sur ces postes des personnes ainsi identifiées.

Impliquer les employeurs dans la démarche d’insertion
et organiser un suivi personnalisé.

Je vous demande également d’accroître les efforts destinés à préparer une sortie positive du CES, dès l’entrée, et pendant toute la durée du contrat.

Les employeurs doivent être impliqués dans la démarche d’insertion professionnelle des personnes qu’ils recrutent. Il est essentiel que les titulaires des contrats exercent une activité valorisante, bénéficient d’un tutorat structuré, et de formations complémentaires répondant à leur projet professionnel.

Vous encouragerez les employeurs à s’engager contractuellement en ce sens, par la signature de chartes de qualité. Ces chartes de qualité pourront en outre prévoir un dépôt des offres d’emploi à l’ANPE, un accueil privilégié des publics les plus éloignés de l’emploi, une limitation du nombre de contrats aidés par rapport à l’effectif permanent de la structure. Elles pourront définir les conditions de renouvellement ou de la consolidation des contrats, ou organiser le soutien dans la recherche d’emploi au cours ou à l’issue du contrat...

Les acteurs de terrain doivent rester mobilisés pendant toute la durée de mise en œuvre du contrat pour appuyer les efforts d’accompagnement des employeurs et organiser un suivi personnalisé des bénéficiaires. Les services de la DDASS devront en particulier être étroitement associés au suivi des personnes rencontrant les plus grandes difficultés. Un accompagnement social, s’il est nécessaire, devra être réalisé par des professionnels. Ainsi, les DDASS mobiliseront les crédits d’appui social individualisé (ASI) et des fonds d’aide aux jeunes en difficulté (FAJ), en veillant à ce qu’une part croissante de ces crédits bénéficie à des titulaires de CES.

J’insiste également sur la collaboration avec les conseils généraux pour les actions plus particulièrement orientées vers l’accès des bénéficiaires du RMI au CES. Les acteurs sociaux tels que les CHRS, les clubs de prévention spécialisée ou les "boutiques solidarité" pourront être utilement mobilisés.

Accroître les efforts destinés à favoriser une sortie positive du CES.

Il est indispensable de ne pas maintenir en CES des personnes qui sont en mesure de franchir une autre étape vers l’emploi.

En particulier, les demandes de renouvellement devront être examinées avec la même vigilance que celle que je vous demande d’exercer à l’entrée en CES. Les renouvellements, au-delà de douze mois, ne devront être envisagés qu’en cas de situation sociale particulièrement difficile ou de parcours d’insertion identifié et validé nécessitant une durée supérieure à un an. Dans un même esprit, et dans la mesure où l’employeur souhaite prolonger son engagement, les décisions d’entrée en contrat emploi consolidé à l’issue du CES devront concerner des bénéficiaires ayant des difficultés objectives et durables d’accès à l’emploi.

La possibilité ouverte par la loi du 16 octobre 1997 de cumuler un CES avec un emploi à temps partiel constitue une opportunité pour favoriser la transition progressive vers l’emploi sans attendre la fin du contrat. Les employeurs pourront, en mobilisant leurs réseaux, contribuer à cette transition.

La loi du 16 octobre 1997 a expressément prévu la possibilité pour les jeunes en CES de bénéficier du dispositif "nouveaux services - nouveaux emplois". Je souhaite que vous utilisiez le levier des conventions d’objectifs, que je vous ai demandé de conclure avec les collectivités locales dans la circulaire DGEFP 97/25 du 24 octobre 1997, pour favoriser de tels parcours.

Enfin, l’ANPE et le réseau des missions locales et des PAIO apporteront un appui particulier à la recherche d’emploi des personnes dont l’insertion professionnelle n’aurait pu être réalisée, afin qu’elles puissent capitaliser au plus vite la période passée en CES.

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Nous ne parviendrons à faire reculer durablement l’exclusion que si nous sommes capables de créer les conditions du retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. J’attends que vous y contribuiez par un pilotage offensif des contrats emploi solidarité, fondé sur une logique d’orientation, d’appui et de suivi individualisés. Vous me rendrez compte, au plus tard pour le 31 janvier 1998, des dispositions prises en ce sens et des objectifs que vous vous serez fixés au regard de la situation de l’exclusion professionnelle dans votre département.

Martine AUBRY