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Circulaire n° 080001DAJ du 21 juillet 2008 relative à la mise en œuvre de poursuites pénales par le CNRS

DAJ

Les atteintes portées aux biens matériels et immatériels et à l’image du CNRS méritent une attention et une vigilance particulière.

La protection du CNRS contre des actes de vol, d’intrusion, de destruction, de dégradation, de piratage, de propos diffamatoires… justifie des poursuites pénales à l’encontre des auteu rs présumés ou potentiels de ces actes délictueux.

L’objet de la présente circulaire est de rappeler les mesures à prendre et les circuits décisionnels à respecter pour permettre à l’établissement de faire cesser le trouble et obtenir réparation de son préjudice devant la juridiction pénale.

Après un rappel de quelques éléments de procédure pénale utiles (I), seront précisés les acteurs du déclenchement des poursuites au CNRS (II) et les modalités du suivi de la procédure judiciaire (III).

I. – LES ETAPES DE LA PROCEDURE PENALE 1

Les principales étapes de la procédure pénale sur dépôt de plainte sont :

– l’information du procureur de la République
(plainte),

– la phase d’enquête,

– la décision de poursuite,

– le jugement.

I. 1. – L’information du procureur de la République

La plainte est l’acte par lequel une personne (morale ou physique) informe le procureur de la République de la commission d’une infraction (contravention, délit, crime) dont elle a été victime. Il existe deux types de plainte :

• La plainte simple : Les agents de police judiciaire 2 ont l’obligation de recevoir toute plainte et de la transmettre au service ou à l’unité de police judiciaire compétent (art. 15-3 du code de procédure pénale - CPP).

• La plainte avec constitution de partie civile : Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant un juge d’instruction (art. 85 du CPP). Cette plainte a pour effet de déclencher une instruction par ce juge.

Toutefois depuis le 1er juillet 2007, la plainte avec constitution de partie civile doit obligatoirement être précédée d’une plainte simple. Suite à cette plainte, la constitution de partie civile est recevable à condition que le plaignant justifie 3 :

– qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'il a déposé plainte devant le procureur de la République ;

– ou que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite de sa plainte, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites (décision de classement sans suite).

I. 2. – La phase d’enquête préliminaire suite à une plainte simple

La police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs.

Elle procède à l’enquête préliminaire (sur instruction du procureur, ou d’office). Elle constate l’infraction par procès-verbal, auditionne les personnes susceptibles d’apporter des éléments.

La police judiciaire transmet les résultats de l’enquête au procureur de la République afin qu’il prenne une décision sur la suite à donner.

Dès la découverte de l’infraction, il est indispensable :

– de prendre toutes les précautions nécessaires sur le lieu de l’infraction avant l’arrivée des enquêteurs (ne rien déplacer, prendre des photos, …),

– de faire établir dès que possible des devis pour estimer le coût de remplacement ou de réparation de ces biens,

– de rassembler les factures d’achats desdits biens.

– de collecter toute preuve utile.

I. 3. – La décision du procureur de la République

En vertu du principe de l’opportunité des poursuites, le procureur de la République peut décider :

– d’un classement sans suite de la plainte. Le plaignant en est informé par avis motivé.

– de la poursuite de l’auteur de l’infraction. L’affaire est simple (faits établis, auteur identifié) : Le procureur de la République fait convoquer l’auteur et le plaignant devant le tribunal compétent pour une audience au cours de laquelle l’affaire sera examinée et jugée.

– d’une mesure de médiation pénale 4 qui permet la réparation du dommage, la fin du trouble, ou le reclassement de l’auteur des faits, dans le cas d’infraction de faible gravité et sans que soit demandé au juge pénal de prononcer une sanction.

– de l’ouverture d’une information judiciaire et la demande de désignation d’un juge d’instruction (affaire complexe nécessitant des investigations).

Le juge d’instruction procède aux recherches, rassemble et apprécie les preuves, entend les personnes impliquées ainsi que témoins et experts… Il décide éventuellement de mettre en examen une ou plusieurs personnes contre lesquelles pèsent des charges sérieuses.

La police judiciaire conduit alors l’enquête sous la direction du juge d’instruction. A son terme, ce dernier prononce un non lieu s’il estime qu’il n’y a pas d’infraction ou si l’auteur n’est pas identifié clairement ou décide de renvoyer la ou les personnes mises en examen devant le tribunal compétent.

I. 4. – Le jugement

C’est la nature de l’infraction qui détermine le choix de la juridiction.

• Les contraventions, infractions les plus légères (dégradations légères, injures, violences suivies d’une interruption temporaire de travail inférieure à 8 jours…) sont passibles généralement de peines d’amende prononcées par le tribunal de police.

• Les délits concernent des atteintes aux personnes, aux biens ou aux institutions (violences, homicides ou blessures involontaires, escroqueries, incendies volontaires, outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, diffamation…). Ils sont jugés par le tribunal correctionnel et peuvent faire l’objet d’amendes ou de peines d’emprisonnement.

• Les infractions les plus graves, les crimes sont jugés par la cour d’assises et sont passibles de peines de réclusion criminelle.

Les tribunaux disposent également d’un éventail de peines autres que l’amende ou l’emprisonnement comme par exemple le travail d’intérêt général.

II. – LES ACTEURS DU DECLENCHEMENT DE POURSUITES PENALES AU CNRS

II. 1. – Qui décide d’engager une action pénale au nom du CNRS ?

Le Conseil d’Administration du CNRS délibère notamment sur :

« … Les actions en justice et les transactions ainsi que le recours à l'arbitrage en cas de litiges nés de l'exécution de contrats de recherche passés avec des organismes étrangers » (art. 5-11 du D. n° 82-993 du 24 novembre 1982 modifié portant organisation et fonctionnement du CNRS).

Le Conseil d’Administration a délégué son pouvoir au seul directeur général. Il concerne exclusivement :

« - les actions en justice contre les personnes physiques qui ne sont pas agents du CNRS ;

- l'exercice des actions pénales dirigées contre les agents du CNRS en matière d'infractions de presse et d'atteinte aux biens commises à l'encontre de l'Etablissement ;

- l'exercice des actions en justice contre les personnes morales ». 

Pour l’exercice d’une partie de ces pouvoirs le directeur général a accordé une délégation de signature :

• à la directrice des affaires juridiques (DAJ) 5,

• à la directrice des ressources humaines (DRH) 6,

• au fonctionnaire sécurité défense (FSD) 7,

• aux délégués régionaux (DR) 8.

La direction des affaires juridiques est obligatoirement saisie avant tout déclenchement au nom du CNRS d’une action pénale (main courante, plainte, citation directe, …).

En lien avec les structures et les services concernés et après examen des éléments de fait et de droit, la direction des affaires juridiques décide de l’action judiciaire la mieux adaptée à la préservation et la défense des intérêts de l’établissement.

L’instruction des actions en justice ayant trait à des atteintes aux biens (matériels et immatériels) ainsi qu’à l’image du CNRS est de la compétence exclusive de la direction des affaires juridiques.

Une action pénale à l’encontre d’un agent du CNRS ne peut être menée sans l’accord préalable du Conseil d’Administration.

Aucun dépôt de plainte au nom du CNRS ne peut être introduit sans l’accord préalable de la direction des affaires juridiques.

II. 2. – Comment sont engagées les poursuites pour le compte du CNRS ?

1. – La plainte ordinaire :

Si une action pénale au nom du CNRS est décidée, sa mise en œuvre par le dépôt de plainte simple peut prendre différentes voies :

• Dépôt de plainte par un courrier adressé au procureur de la République du tribunal de grande instance du lieu de l’infraction9 :

Ce courrier est établi et signé par le délégué régional et soumis au visa préalable de la direction des affaires juridiques.

Une copie est adressée à la direction des affaires juridiques et le cas échéant au directeur de l’unité concernée.

• Dépôt de plainte par déposition auprès de la brigade de gendarmerie ou commissariat de police du lieu de l’infraction.

• Dans le cas d’intrusion dans les systèmes informatiques du CNRS, en application de sa délégation de signature, le fonctionnaire sécurité défense procède au dépôt de plainte auprès des services de police spécialisés.

Situation d’urgence : Si les circonstances le justifient un dépôt de plainte à titre conservatoire peut être directement effectué, au nom du CNRS, par le délégué régional, qui en tient informée la direction des affaires juridiques a posteriori.

2. – La plainte avec constitution de partie civile ou la citation directe :

Ces modalités particulières, plus techniques, sont directement mises en œuvre par la direction des affaires juridiques.

III. – LE SUIVI DE LA PROCEDURE PENALE AU CNRS

III.1. – Constitution du dossier d’infraction

Dès la découverte de l’infraction, le délégué régional doit adresser à la direction des affaires juridiques un dossier contenant les éléments suivants :

– la nature des faits (vol, dégradation…) et tous éléments de preuve constitués de photographies, constats d’huissiers, rapports, …

– la description du dommage causé au CNRS (type de biens, existence d’assurance, le CNRS est-il propriétaire, évaluation du préjudice matériel et scientifique…),

– un récit détaillé des circonstances (lieu, heure, avec ou sans effraction, présence de témoin, connaissance du ou des auteurs…).

C’est sur la base du contenu de ce dossier, que la direction des affaires juridiques apprécie, en lien avec le délégué régional et le directeur de l’unité concernés, les suites à donner.

III. 2. – Suivi de la procédure

De la découverte de l’infraction au jugement, il est nécessaire, tout au long de la procédure judiciaire qui peut être longue, que le CNRS soit en mesure :

• d’apporter toutes informations utiles aux enquêteurs :

A titre d’exemple, les personnes ayant la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) peuvent sans information préalable se présenter dans les locaux du CNRS afin de procéder à une enquête sur ordre du procureur de la République (enquête préliminaire) ou d’un juge d’instruction (commission rogatoire).

Les pouvoirs d’investigation des OPJ sont étendus. Toutefois certaines opérations nécessitent l’accord du représentant du CNRS si elles n’interviennent pas dans le cadre d’une commission rogatoire (perquisitions, saisie).

• de constituer un dossier justifiant les réclamations en dommages et intérêts et l’évaluation du préjudice 10 :

La procédure judiciaire permet à la fois la sanction du coupable et la réparation du dommage subi. Le CNRS doit donc être en mesure de produire au juge, au plus tard au cours de l’audience, une demande en paiement de dommages et intérêts précise et justifiée.

Le montant des dommages et intérêts relève de l’appréciation souveraine du juge qui, en tout état de cause, ne pourra pas allouer une somme supérieure à celle réclamée par le CNRS. Il s’appuiera pour déterminer le montant des dommages et intérêts sur les preuves apportées.

Cette estimation est réalisée par le directeur de l’unité victime en lien avec les services de la délégation régionale.

• d’être représenté au tribunal :

Le CNRS est représenté à l’audience par la direction des affaires juridiques qui peut donner un mandat de représentation à un membre de la délégation régionale.

Néanmoins, dans tous les cas, des représentants de la délégation régionale et de l’unité concernés assistent à l’audience.

III. 3. – Rôle de la direction des affaires juridiques

1. Information de la direction des affaires juridiques à toutes les étapes du dossier :

La direction des affaires juridiques doit systématiquement être destinataire en copie de tous documents, communications ayant trait à l’infraction. Elle doit être tenue informée du déroulement des procédures. Cette information est primordiale pour assurer une défense réactive et cohérente des intérêts de l’établissement.

2. Choix de l’avocat :

Selon la nature du dossier l’assistance d’un avocat peut s’avérer nécessaire ou utile. La direction des affaires juridiques dispose de conseils spécialisés dans différents domaines du droit et peut les mobiliser après évaluation du besoin.

3. Préparation et soutien des acteurs impliqués dans la procédure :

En sa qualité de spécialiste des contentieux, la direction des affaires juridiques est en mesure d’éclairer les personnes impliquées dans la procédure (témoins, experts…) sur leur rôle et leurs obligations. Elle peut être utilement sollicitée pour la préparation ou l’assistance dans certaines opérations (audiences, recherche de preuves… ).

DISPOSITIONS FINALES :

La circulaire n° 910144SJUR du 12 avril 1991 relative aux modalités de mise en œuvre de l’intervention dans les circonstances de vol ou de dégradation commis au préjudice du CNRS est abrogée.

La présente circulaire est publiée au Bulletin officiel du Centre national de la recherche scientifique.

Fait à Paris, le 21 juillet 2008.

Le secrétaire général du CNRS,
Alain RESPLANDY-BERNARD

1 Ne sont pas concernées les actions judiciaires en responsabilité civile indépendantes d’une poursuite pénale.

2 Ensemble de personnels de la police et de la gendarmerie spécialement habilités, chargés de poursuivre, rechercher et arrêter les auteurs d’infractions, sous l’autorité de l’institution judiciaire.

3 Ces conditions de recevabilité ne sont pas requises pour les crimes et les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse (diffamations, injures, offenses et outrages envers l’état…).

4 Mesure alternative aux poursuites pénales. Sur proposition du procureur, elle réunit l’auteur et la victime d’une infraction pénale, en présence d’un tiers médiateur habilité par la justice, et consiste à trouver une solution librement négociée et à définir les modalités d’une réparation.

5 La DAJ a reçu délégation pour l’exercice des actions en justice dirigées contre les personnes physiques à l’exception des actions pénales introduites contres des agents du CNRS autres que celles relatives aux infractions de presse et contre les personnes morales.

6 La DRH est dotée d’une délégation de signature en matière de litiges d’ordre statutaire, de pensions, d’accidents du travail et maladies professionnelles.

7 Le FSD détient une délégation de signature pour le dépôt de plainte, auprès de services spécialisés, ayant trait à des intrusions dans les systèmes informatiques.

8 Les Délégués ont reçu une délégation de signature pour le dépôt de plainte, après accord de la DAJ.

9 Ou du domicile de l’auteur de l’infraction si il a été identifié.

10 Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit (Cour de Cassation, 7 juin 2001).